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Les différences essentielles entre le plaisir et le bonheur

À la recherche du bonheur, certains prennent la route du plaisir. Peut-on interchanger les deux? Quelles différences existe-t-il entre le plaisir et le bonheur?

Auteur:
Claude Lefort
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Le plaisir, le bonheur, ou les deux? À la recherche du bonheur, certains prennent la route du plaisir. Peut-on interchanger les deux? Quelles différences existe-t-il entre le plaisir et le bonheur? L’un est-il possible sans l’autre? L’un nuit-il à l’autre?

S’il y a parfois confusion entre le plaisir et le bonheur, c’est surtout que les deux sont des émotions positives. Avec la mode du bien-être mise à toutes les sauces, le marketing de consommation entretien un flou en mélangeant plaisir et bonheur afin d’influencer nos comportements d’achat.

Une question de chimie du cerveau

Le plaisir et le bonheur sont associés respectivement à la dopamine et à la sérotonine, tous deux des neurotransmetteurs qui servent à communiquer d’une cellule nerveuse du cerveau à une autre. Les deux ont des rôles essentiels dans notre survie et fonctionnement, mais agissent de façon différente.

La dopamine est le neurotransmetteur de l'apprentissage, du plaisir, et de la motivation. C'est le neurotransmetteur du renforcement positif. C'est le transmetteur qui dit : "Je me sens bien. J'en veux plus.

La sérotonine, c'est le contraire. C'est le neurotransmetteur qui dit : "Je me sens bien. Je n'en veux plus.

Il s'agit clairement de deux choses différentes. Et le problème, c'est que si vous ne connaissez pas la différence, vous êtes à risque de courir après le plaisir et la récompense, jusqu'à l'épuisement, ou la dépendance.

Il existe une troisième composante dans cette équation qui est absolument essentielle. Il s'agit du cortisol. Le cortisol est l'hormone qui vous prépare au danger, mais c'est aussi l'hormone qui est en hyperactivité en cas de stress chronique.

Le rôle du stress

Ce qui est particulièrement important dans cette histoire de stress, c'est que le cortisol stimule la dopamine et agit sur cette partie de votre cerveau située juste derrière votre front que l'on appelle le cortex pré-frontal.

C'est la partie du cerveau qui vous empêche de faire des choses stupides en anticipant et en prévoyant les conséquences. C'est le Jiminy Cricket de votre cerveau, comme dans Pinocchio. Les patients ayant un cortex pré-frontal dysfonctionnel suite à un traumatisme ne peuvent pas anticiper l'avenir. Ils ne vivent que dans l'instant présent et ne recherchent que la gratification instantanée. Il n'est donc pas possible d'inhiber par la volonté ce besoin de récompense, ce qui accélère encore la production de dopamine.

La combinaison de la dopamine et du cortisol conduit donc à l'addiction. La récompense est donc une bonne récompense. Le stress, lui, ne l'est pas, et c'est ce que nous sommes tous aujourd'hui : stressés de façon chronique. Le stress nous pousse donc à vouloir une récompense, à rechercher le plaisir à tout prix. C'est ainsi que l'on devient dépendant.

D'un autre côté, du côté de la sérotonine, le stress chronique a également un effet sur le cortisol. Le problème est que le récepteur de la sérotonine est régulé à la baisse par le cortisol. Moins de sérotonine, et c'est la dépression.

La dépendance et la dépression sont donc toutes deux présentes lors du stress chronique. L'une est due à la dopamine, l'autre à un manque de sérotonine, mais en présence de cortisol et de stress chronique. C'est sur ces molécules (entre autres) qu'agissent les antidépresseurs actuels.

Le stress chronique est donc la cause de ces deux afflictions majeures de la condition humaine, dépression et addiction. Il n'y a qu'un seul système de récompense, et il est d'une importance majeure. Sans récompense, pas de plaisir ni de désir, et vous ne sortez pas du lit. Il en faut pour pouvoir se lever le matin, aller au travail, gagner sa vie, manger, etc.

Cependant, le plaisir et le contentement ne sont pas la même chose.

Récompense et plaisir sont synonymes. Contentement et bonheur sont synonymes. Dans notre société actuelle, les gens ont donc confondu ces deux concepts, plaisir et bonheur.

Les cinq différences

  1. Le plaisir est une chose viscérale qu'on expérience à court terme, comme un repas.
  2. Le bonheur est un plaisir éthéré à long terme, comme l'accomplissement d'un but accompli qui donne un sens à notre vie.
  3. Le plaisir s'obtient seul. Comme le gâteau au chocolat. Le bonheur s'obtient dans des groupes sociaux, comme une fête d'anniversaire.
  4. Le plaisir peut être atteint grâce à des substances ou des comportements qui peuvent devenir addictifs. Des substances comme la cocaïne, l'héroïne, la nicotine, l'alcool, le sucre, ou des comportements à risque. Le shopping, les jeux d'argent, le fast-food, les médias sociaux, les jeux sur Internet, la pornographie à l'extrême sont des comportements addictifs. Au contraire, le bonheur n'est pas accessible avec des substances. Mais il n'y a pas de dépendance à trop de bonheur.
  5. Le plaisir, c'est la dopamine, et le bonheur, c'est la sérotonine. Il s'agit donc de deux neurotransmetteurs différents, de deux zones différentes du cerveau. Deux voies de régulation différentes, deux mécanismes d'action différents, deux moteurs différents. Pourquoi s'en préoccuper ? Car la dopamine est un neurotransmetteur excitateur qui est activé en conséquence de nos comportements, et qui agit aussi sur nos comportements.

Quand le plaisir tourne à l'enfer

Les neurones aiment être stimulés. Ils n'aiment pas être matraqués. La surstimulation chronique de n'importe quel neurone entraîne la mort des cellules neuronales. La raison en est que les neurones sont tellement actifs et la neurotransmission est tellement exigeante sur le plan métabolique que si vous continuez à les stimuler, ces neurones vont s'épuiser et mourir.

Le neurone post-synaptique doté de récepteurs de dopamine dispose donc d'un dispositif de protection pour ne pas être submergé. Il régule à la baisse le récepteur de la dopamine. Ainsi, même s'il y a beaucoup de molécules de dopamine, il y a moins de récepteurs actifs, ce qui signifie qu'il y a moins de chances qu'une molécule trouve le récepteur.

En termes de comportement, cela conduit au phénomène que nous appelons la tolérance. La dopamine en excès conduit donc à la tolérance. Et lorsque ces neurones commencent à mourir, on parle de dépendance. La sérotonine, cet autre neurotransmetteur, est inhibiteur. Elle est donc rejetée et ne peut plus faire son travail pour équilibrer le système.

Ainsi, plus on recherche le plaisir, plus on est malheureux.

Et si vous ne faites pas la différence entre récompense et satisfaction, entre plaisir et bonheur, et que vous vous laissez égarer par les mantras du marketing qui vous pousse à consumer toujours plus des substances ou activités addictives, comme le sucre, la pornographie ou la drogue de votre choix, cela conduit inévitablement à la dépression et à l'addiction.

C'est ce qui s'est passé pour des centaines de millions de personnes au cours des 50 dernières années, grâce à la publicité, et à l'Internet qui a pris le relais.

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