Pourquoi la psychanalyse reste plus que jamais d'actualité

Les théories et thérapies psychanalytiques s'efforcent de comprendre la phénoménologie unique d'une personne. Ce faisant, le sens et les valeurs qui donnent de l'importance à nos vies sont honorés et soutenus.

À l'ère moderne de la recherche sur le cerveau, l'expérience de vie d'une personne est parfois réduite à une discussion sur la biochimie et les structures cérébrales. L'amour, le bonheur, la tristesse ou la misère peuvent être "expliqués" de manière simpliste par les neuropathies, certaines régions du cerveau et les neurotransmetteurs.

Si les progrès remarquables de la science ont permis aux chercheurs de comprendre le fonctionnement des systèmes biologiques lors de l'expérience de ces émotions, ils offrent en fait des descriptions de la manière dont elles se produisent, et non des explications de ces phénomènes. En réduisant l'essence de l'expérience humaine (ou de l'expérience de toute créature vivante, d'ailleurs) à un système mécaniste objectivé, nous nions la plus importante des capacités humaines, notre imagination ! Notre capacité à créer des idées et des histoires apparemment illimitées a permis à l'esprit de s'émanciper des contraintes de la réalité sensorielle. Nous imaginons, inventons, créons et transcendons le monde matériel vers un monde de potentialités. Certes, la psychanalyse est toujours d'actualité !

Toutes les sociétés civilisées exigent que les personnes se conforment aux normes, aux règles et aux attentes nécessaires pour vivre en coopération. Notre socialisation commence à la naissance et exige qu'une personne apprenne à s'adapter aux exigences sociales et à les intérioriser comme s'il s'agissait de ses propres exigences. La tâche principale de la santé mentale est de parvenir à cette conformité tout en préservant l'intégrité personnelle. Cette intégrité exige que nous respections notre diversité sous de nombreuses formes, telles que l'ethnie, la religion, la sexualité, etc., tout en équilibrant nos besoins de lien social et d'acceptation. Les thérapies psychanalytiques ont maintenu ces considérations existentielles au centre de la mission consistant à faire progresser la compréhension humaine et à promouvoir l'épanouissement personnel.

La technologie d'aujourd'hui nous permet de satisfaire presque immédiatement un grand nombre de nos besoins, mais cette commodité peut nuire à la maturité émotionnelle d'une personne en contournant sa capacité à tolérer la frustration. Tolérer la frustration implique la capacité de retarder la gratification, de contenir les états de tension, d'inhiber les actions réflexes et de s'engager dans une planification réfléchie.

En l'absence de cette capacité, on est enclin à adopter un mode de vie impulsif et potentiellement addictif. Il n'est donc pas étonnant que ces styles de dépendance et d'impulsivité aient été historiquement considérés comme caractéristiques de l'adolescence, où le développement cérébral n'est pas encore arrivé à maturité. Cependant, si les besoins et les demandes peuvent être satisfaits en quelques nanosecondes, il n'y a guère de motivation pour cultiver la maîtrise de soi.

Les thérapies psychanalytiques ne sont pas des solutions rapides, intentionnellement, afin de permettre la facilitation des processus de maturation. Ainsi, alors que certains pourraient qualifier cette approche de démodée, il s'agit en fait d'un principe aligné sur le fonctionnement de la nature. L'émergence et l'épanouissement de l'esprit sont mieux soutenus par l'engagement de nos potentiels émotionnels et cognitifs internes pour relever les défis de la vie, que par l'adoption de réponses toutes faites sur l'internet ou de faits aléatoires tirés de recherches sur Google.

Les thérapies psychanalytiques s'efforcent d'améliorer la conscience de soi. Les patients sont encouragés à rechercher leurs vérités personnelles par l'introspection et la perspicacité. Le rôle du thérapeute est celui d'un guide qui accompagne le patient dans l'exploration et l'examen de son esprit intime. En tant que guide, le thérapeute offre une certaine protection contre la peur de la connaissance de soi et, plus important encore, sert de témoin des vérités personnelles qu'il peut être nécessaire de proclamer. Le guidage et le témoignage comptent parmi les fonctions interpersonnelles les plus importantes, car ils offrent une acceptation et une validation sûres de l'individu. Ces fonctions établissent les conditions d'un attachement sain et honorent la valeur et l'objectif d'une personne. Il est important de reconnaître que la psychanalyse est toujours d'actualité.

En tant que système de compréhension de la maladie mentale, ou de la souffrance humaine, les modèles psychanalytiques offrent une perspective compatissante et normalisante. Si les symptômes sont l'expression de la souffrance, ils représentent aussi le meilleur effort d'une personne pour conserver sa santé mentale, quelle qu'elle soit. Les névroses se distinguent des autres formes de misère en se référant à la souffrance mentale dérivée des conflits au sein des personnes et entre elles. Le don de notre imagination peut aussi être une malédiction lorsqu'il s'agit d'affronter des pensées, des fantasmes et des souvenirs insondables. La thérapie psychanalytique permet au patient de distinguer les perceptions des fantasmes, les désirs des besoins ou les spéculations des vérités. La compréhension et les expériences émotionnelles correctives avec le thérapeute peuvent nous aider à retrouver notre capacité à prendre soin de nous-mêmes et de nos proches.

Pourquoi les détracteurs de la psychanalyse affirment-ils qu'il ne s'agit pas d'une science et qu'elle ne résiste pas à une validation empirique rigoureuse par des tests scientifiques ? Cette critique est partiellement vraie, mais trompeuse. Dans les thérapies psychanalytiques, la recherche et le traitement se concentrent exclusivement sur l'expérience subjective unique d'une personne et chaque traitement est donc unique en soi. Par conséquent, chaque thérapie est adaptée aux besoins spécifiques de l'individu en fonction de sa personnalité, de ses antécédents, de ses capacités et de sa maturité. La thérapie d'une personne ne peut être comparée avec précision à celle d'une autre personne, ce qui exclut les comparaisons significatives nécessaires aux études de recherche scientifiquement contrôlées. En d'autres termes, les thérapies psychanalytiques traitent des personnes et non des diagnostics. Cette approche de la thérapie valorise la personne plutôt que le diagnostic. En d'autres termes, l'objectif du traitement est d'aider le patient à améliorer sa qualité de vie, et non pas simplement de réduire les symptômes problématiques. Cet objectif peut être atteint en réduisant les symptômes dans une certaine mesure, mais il peut aussi inclure l'acceptation de soi et du fait que certains problèmes de la vie doivent être surmontés plutôt que "résolus". En outre, de nombreuses études ont montré que le facteur le plus important pour une psychothérapie réussie, quel qu'en soit le type, est la qualité de la relation entre le thérapeute et le patient. La relation thérapeutique est la pierre angulaire de la psychanalyse depuis sa création. Encore un exemple qui montre que la psychanalyse est toujours d'actualité !

Eric Kandel, lauréat du prix Nobel, a déclaré que la théorie psychanalytique offre la compréhension la plus complète de l'esprit parmi toutes les autres théories psychologiques. Les idées et les concepts ont subi plus d'un siècle de révisions et de modifications visant à aider à comprendre la condition humaine. En tant que créatures complexes et à multiples facettes, nous sommes dotés d'une curiosité incessante et d'une résistance remarquable. Nous avons inventé non seulement la science, mais aussi les sciences humaines. L'art, la musique, la littérature et la danse sont des méthodes que les humains ont créées pour exprimer l'énormité de nos vies partagées et la volonté de comprendre le sens essentiel de notre existence. Les théories psychanalytiques examinent également notre relation à ces sciences humaines, car elles peuvent avoir une signification personnelle pour l'individu.

La psychanalyse est née de la volonté de Freud de se comprendre lui-même et de comprendre les autres en tant que membres d'une espèce mondiale dominante. Toutes nos méthodes d'expression servent à approcher, mais jamais à élucider complètement, l'unicité humaine.

Le sujet freudien est un sujet libre, doué de raison, mais dont la raison vacille à l'intérieur d'elle-même. C'est de sa parole et de ses actes, et non de sa conscience aliénée, que pourra surgir l'horizon de sa propre guérison. Ce sujet-là n'est ni l'automate des psychologues, ni l'individu cérébro-spinal des physiologistes, ni le somnambule des hypnotiseurs, ni l'animal ethnique des théoriciens de la race et de l'hérédité. Il est un être parlant, capable d'analyser la signification de ses rêves, plutôt que de les regarder comme la trace d'une mémoire génétique. Sans doute reçoit-il ses limites d'une détermination physiologique, chimique ou biologique, mais aussi d'un inconscient conçu en termes d'universalité et de singularité.